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Photos en errance
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15 mai 2020

ça renifle un oiseau ?

Aujourd’hui pas de photos, que du blabla...

Parlons du sens de l'odorat chez les oiseaux...

Il est communément (et sans doute abusivement) admis que le sens de l’odorat est peu développé, et même parfois absent, chez les oiseaux.

 

Vérité ou idée reçue ?

 

Mais, pour commencer, un petit préliminaire : c’est quoi l’odorat et c’est quoi une odeur ?

D’après le dictionnaire, une odeur c’est la sensation que produisent certaines substances volatiles. Ces substances volatiles sont le plus souvent des molécules de différentes familles organiques : alcools, acides, aldéhydes, cétones, composés aromatiques…

Deux exemples (un peu caricaturaux, il faut bien l’avouer) :

  1. Mettez votre nez au dessus d’une bouteille d’essence, vous sentirez alors une odeur caractéristique (que certains aiment et d’autres pas). Cela est dû à l’évaporation spontanée de certains composés contenus dans l’essence, principalement des dérivés du benzène. Notre sens de l’odorat est sensible à cette molécule aromatique.

  2. Mettez ce même nez (de toute manière, vous n’en avez qu’un!) au dessus d’un verre d’eau pure, vous ne sentirez rien. Pourtant des molécules d’eau (H2O) s’échappent aussi spontanément de ce verre, mais notre odorat n’est pas stimulé par ces molécules d’eau (heureusement car l’humidité est présente en permanence dans l’air que nous respirons).

 

Quel est le mécanisme de ce sens de l’odorat ?

Schématiquement deux éléments sont nécessaires pour qu’existe ce sens de l’odorat :

 

  1. Des récepteurs capables d’être stimulés par ces substances volatiles. Ils sont situés dans un organe dédié : le nez ou son équivalent (museau, truffe, mufle, bec).

    Ces récepteurs, après avoir été stimulés, vont envoyer un influx nerveux vers

  2. Une structure particulière située dans le cerveau : le bulbe olfactif.

NB : chez les insectes, le principe est le même. Les principales substances auxquelles sont sensibles les récepteurs sont les phéromones et ces récepteurs sont souvent situés sur les antennes.

 

Bon, mais l’odorat chez les oiseaux ?

Il y a deux façons de mettre en évidence le rôle de l’odorat :

 

  1. l’approche éthologique, c’est à dire l’observation du comportement en présence ou en absence de ces molécules volatiles, avec intervention ou non de l’observateur dans le déroulement de l’expérience.

  2. L’approche anatomique, c’est à dire la mise en évidence des éléments physiologiques nécessaires au sens de l’odorat : récepteurs et bulbe olfactif.

 

C’est l’approche éthologique qui a prévalu durant une longue période. Mais pendant longtemps, l'éthologie à souffert d’un manque de rigueur et de nombreuses observations ont vu leurs conclusions remises en cause.

Quant à l’approche physiologique elle a été plus tardive : il a fallu attendre que les techniques de dissection et d’imagerie médicale soient devenues plus précises.

 

Le sujet n’est donc pas encore tout à fait tranché et de nombreuses questions restent posées.

Cependant des indices certains donnent à penser que l’utilisation de l’odorat chez les oiseaux (ou du moins chez certaines espèces) est loin d’être anecdotique.

 

Voici deux des observations comportementales allant dans ce sens :

Les Albatros hurleurs, en période de reproduction, doivent quitter leur nid (se trouvant sur des îles isolées) et se diriger vers des zones de pêche situées à plusieurs centaines, voire milliers, de kilomètres. S’ils avaient une connaissance innée de l’emplacement de ces zones, on peut supposer qu’ils s’y dirigeraient en ligne droite. Or des Albatros, équipés de GPS, ont suivi un trajet en zigzag dont la direction générale pointait vers ces zones de pêche. On croit donc qu’ils se dirigent « au flair » (un peu comme les chiens pisteurs remontent une piste) et non pas de manière programmée ni aléatoire. D’autant plus que le retour vers le site de nidification était plus direct.

 

Albatros hurleur - Diomedea xulans - photo: JJ Harrison, wikimedia

 

Océanite culblanc - Oceanodroma leucorhoa - photo: JJ Harrison, wikimedia

Cette interprétation est confortée par d’autres expériences ou l’on a notamment montré que d’autres oiseaux pélagiques (les Océanites culblancs) étaient attirés par l’odeur du sulfure de diméthyle, substance volatile relâchée dans les zones de l’océan ou le krill (des crevettes présentes en abondance dans le zooplancton) s’alimente en phytoplancton (micro végétaux en suspension dans l’océan), et là ou le krill est présent en quantité, les poissons, les calamars...etc... sont aussi présents. Ce sulfure de diméthyle pourrait donc être un indicateur des bonnes zones de pêche, d’où son intérêt pour les oiseaux pélagiques.

 

oiseaux pélagiques et sulfure de diméthyle

 

Mais il y a aussi des indices physiologiques de l’importance de l’odorat :

On a mis en évidence à la fois la présence de structures réceptrices pour des substances volatiles et l’existence dans le cerveau d’un bulbe olfactif. La taille de ces structures et de ce bulbe olfactif a put être mesurée et leur importance chez certaines espèces prêche pour la réalité de l’odorat chez ces espèces.

 

D’autant plus que ces mesures physiologiques ont put être corrélées avec le comportement de certaines de ces espèces : par exemple, des expériences comportementales ont montré que l’Urubu à tête rouge (un charognard) est sensible à l’éthylmercaptan (un composé volatil qui se dégage des carcasses en décomposition) tandis que, en parallèle, des études anatomiques ont mis en évidence la taille importante du bulbe olfactif chez cette espèce ; l’odeur de décomposition serait donc ici responsable (du moins en partie) du repérage des charniers sur lesquels cette espèce se nourrit.

 

Urubu à tête rouge - Cathartes aura - photo: SK Yathin, wikimedia

 

Il est donc pertinent de penser que l’odorat joue un rôle parfois très important chez certaines espèces. Il y a cependant encore de nombreuses études à réaliser pour répondre à de nombreuses questions pour le moment restées en suspens.

 

Voilà donc une approche (très) sommaire du sujet. Je vous encourage à lire le livre « L’oiseau et ses sens » de Tim Birkhead publié en 2014 chez Buchet/Chastel, Paris. Cette publication n’est pas des plus récentes, mais reste très intéressante.

 

l'oiseau et ses sens, couverture

 

Vos commentaires, critiques, compléments d'information sont bien évidemment les bienvenus.

J'espère que le sujet vous a intéressé...et que vous ne m'avez trouvé ni trop bavard ni trop pompeux..

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Commentaires
B
Bjr, très intéressant ...
Répondre
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